L'objet d'étude « Théâtre » possède des spécificités qu'il peut être pertinent de connaître et de prendre en compte dans la rédaction du commentaire.
Précisons d'emblée que les repères qui suivent :
- ne sont pas à appliquer comme une grille d'analyse mais peuvent être mobilisés éventuellement ;
- sont donnés à ce stade du manuel mais peuvent être utiles à n’importe quel moment du travail d’analyse d'un texte.
Voici quelques questions que vous pouvez vous poser afin d'appréhender votre commentaire d'un texte théâtral :
1. Quels sont vos ressentis de lectrice et de lecteur ?
C'est avant tout votre lecture personnelle que doit révéler le commentaire.
2. Pour aller plus loin dans votre analyse du texte, vous pouvez vous demander :
- De quel genre théâtral s'agit-il ? : comédie, tragédie, drame (bourgeois, romantique), tragi-comédie, vaudeville, etc. ?
- De quel moment de la pièce s’agit-il ? : prologue, scène d’exposition, péripétie, dilemme, coup de théâtre, rebondissement final, dénouement, épilogue, etc. ?
Par exemple : à l'acte V, scène 2 de Médée de Corneille, le personnage éponyme, après une longue délibération, tranche le dilemme qui la déchire entre son amour pour ses enfants et sa volonté de se venger de Jason, son mari qui l'abandonne et la prive de ses enfants. Ce moment est particulièrement crucial car il précipite les catastrophes en entraînant la mort des enfants puis le suicide de Jason.
- Quelle est la forme de la prise de parole ?
Le théâtre est un genre littéraire qui repose essentiellement sur la mise en scène de personnages qui parlent. Cela détermine plusieurs formes de prise de parole : le monologue (le personnage est seul sur scène ou se croit seul sur scène), la tirade (le personnage parle seul et longtemps, mais en présence d'au moins un autre personnage), le dialogue (plusieurs personnages), la confrontation (deux personnages qui s'opposent), le quiproquo (personnages qui ne se comprennent pas, tout en pensant parler de la même chose, etc.).
- Quelle est la répartition de la parole ? Un personnage s’exprime-t-il plus qu’un autre ? La parole est-elle répartie de manière équilibrée ?
Par exemple, à la scène 3 de la première partie de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, une didascalie interne semble indiquer la présence en scène d'un interlocuteur, son frère Louis : « Mais jamais‚ nous concernant‚ jamais tu ne te sers de cette possibilité, de ce don (on dit comme ça, c’est une sorte de don, je crois, tu ris) ».
Aucune didascalie externe ni aucune réplique de sa part ne venant confirmer la présence concrète de Louis dans cette longue scène, la formule « tu ris » nous fait hésiter à lire la scène comme un dialogue ou un monologue.
- Quels types de personnages sont en scène ?
Il existe des personnages de théâtre que l’on retrouve très fréquemment : des personnages nobles dans les tragédies antiques et classiques, des bourgeois, de vieux barbons, des domestiques et de jeunes amoureux dans les comédies classiques par exemple.
- Quelle est la relation entre les personnages ? : tension, affrontement, séduction, aveu amoureux, retrouvailles, etc. ?
- Que se disent-ils précisément ? Ou que se dit le personnage, au cas où seul un personnage parle ? Ce moment de parole apporte-t-il une évolution ? Le personnage est-il le même à la fin (décision prise par exemple ; état d’esprit un peu différent, etc.) ?
- Le dramaturge a-t-il recours à des didascalies ? Sont-elles externes ou internes ?
Une didascalie interne désigne un mouvement, un geste, un déplacement, qui est sous-entendu par la parole du personnage.
Par exemple : Phèdre à Œnone dans la pièce de Racine : « Tu le veux ? Lève-toi. » (Phèdre, I,3) ; l'étude d'un texte de l'auteur du théâtre de l'Absurde Samuel Beckett comporte très souvent d'abondantes didascalies qu'il faut commenter au même titre que les répliques.
- À quel degré le spectateur est-il impliqué ? Ne négligez pas le rôle de la double énonciation : tout ce qui est dit sur scène est à destination des spectatrices et spectateurs ET à destination des personnages en scène. Le lecteur est-il pris à parti directement (aparté, adresse directe) ? En sait-il plus qu’un des personnages ?
Par exemple, dans Tartuffe de Molière (IV,5), lorsque Orgon se cache sous la table pour observer les stratégies de séduction de Tartuffe auprès de sa femme, le public et les lecteurs disposent d’une information dont Tartuffe est privé.
Par ailleurs, quelles relations, voire quels jugements, le spectateur vous semble-t-il être amené à avoir/porter sur tel ou tel personnage ? Par exemple lors la scène de la table dans Tartuffe, le spectateur nourrit de l'empathie mêlée d'inquiétude pour Elmire tandis qu'il éprouve de la répulsion pour Tartuffe tout en s'impatientant de l'absence de réaction d'Orgon.
- À quel(s) type(s) de comique recourt la scène ? : situation, caractères, langage, gestes ?
- D’où vient la dimension tragique du texte ?
Pour chacune de ces questions, il convient de s’interroger également sur l’intérêt des choix effectués par l'autrice ou l'auteur.